Le chemin de Damas
PROLOGUE
Paul (de son vrai nom Saul) était un Juif Pharisien membre de la secte juive la plus stricte de son temps. Il reçut l’ordre de se rendre à Damas pour réprimer violemment les Chrétiens (33 après J.-C.).
Sur le chemin de Damas, il fut ébloui et aveuglé par une lueur fulgurante et entendit la voix du Christ lui dire : « Paul, pourquoi me persécutes tu ? » Un Chrétien, Ananie, intervint alors et le conduisit chez lui. Là, il recouvrit la vue et fut baptisé et se mit immédiatement à prêcher. Paul passa les trois années suivantes retiré dans le désert d’Arabie pour approfondir sa foi. Le reste de sa vie, il alla prêcher et écrire lettres et épîtres, voyageant dans tout l’Orient méditerranéen, de Jérusalem à Rome. Il devint le principal artisan dans la christianisation du Monde Antique.
Selon une tradition, généralement admise par les historiens, il mourut supplicié à Rome, lors de la persécution de Néron (vers 65 après J.-C.).
Actes des Apôtres, Nouveau Testament
Le 22 septembre 1979, une bombe atomique explosa au large des côtes sud-africaines, dans l’Océan Indien. Les Israéliens avaient fait tester une arme nucléaire par les Sud-Africains. Trois autres tests atomiques furent entrepris entre septembre 1979 et février 1980. Les Israéliens pensaient qu'ils ne seraient pas détectés parce qu'ils étaient conduits sous le couvert d'épais nuages, mais il y eut une éclaircie et le satellite de surveillance VELA les décela.
Fin septembre 1979, je me trouvais à Djibouti, dans la corne de l'Afrique, aux confins de l'Océan Indien. Je travaillais comme accompagnateur pour une agence de voyages d'expédition, Explorator, et je venais juste d'achever un circuit au Yémen.
J'avais décidé d'abandonner l'accompagnement et je vivais sur un trimaran. Les voiliers français étaient assez nombreux à Djibouti -une dizaine- parce que c'est une importante base navale française et le seul bon port d'avitaillement lorsque l'on vient de descendre la Mer Rouge et que l'on s'apprête à traverser l'océan Indien.
Il existe une réelle confrérie de navigateurs. On s'échange les cartes marines, on répare les drisses abîmées sur un autre voilier, on s'invite constamment de bord à bord. L'un des Français avait son bateau immobilisé dans le port d'Hodeidah, au Yémen. Il avait passé plusieurs semaines en prison parce que les autorités yéménites avaient trouvé un drapeau israélien à son bord et le prenaient pour un espion. Il avait été finalement libéré et expulsé, mais n'avait pas le droit de revenir au Yémen, donc pas la possibilité de récupérer son navire. La bande de Français décida alors d'organiser une expédition pour aller chercher le voilier. J'y participais et je fus chargé de le convoyer du Yémen à Djibouti en compagnie d'un autre Français, Jean Charrin.
Nous naviguâmes au moteur. Jean était inquiet parce que le détroit de Bab-el-Mandeb («les Portes de l'Enfer»), qui sépare la Mer Rouge de l'Océan Indien, est réputé pour ses violentes tempêtes. Mais la traversée se passa sans encombres, nous fûmes accueillis comme des héros à Djibouti et Jean me proposa peu après de l'accompagner sur son 12 m, Lula, jusqu'au Sri Lanka. Je lui expliquais que je n'avais jamais navigué de ma vie mais il me dit qu'il avait un pilote automatique, que nous aurions des vents portants et qu'il n'y avait aucun problème.
La traversée du Golfe d'Aden, au cours des deux premières semaines, fut mouvementée. De mauvais vents de travers chahutaient constamment le bateau. Jean avait terriblement peur des cargos («J'ai toujours peur sur un bateau» me disait-il -ce qui me semblait être la marque d'un vrai marin). Nous passions le plus clair de notre temps dans la cabine principale, assis sur le sol, le dos contre la coque, pour ne pas perdre l'équilibre. Mais nous atteignîmes finalement l'océan Indien et, là, la mousson du sud-ouest apporta d'excellents vents portants. La traversée devint paradisiaque. Nous écoutions du Mozart sur le petit lecteur de cassettes de Jean en buvant de la bière. Le bateau glissait doucement sur l'océan. Le grand événement étaient les couchers de soleil, toujours splendides et changeants, qu'aurait magnifiquement peint Turner.
Une nuit de février 1980, alors que je dormais profondément dans la cabine avant, je me retrouvais soudain parfaitement éveillé sur le pont du bateau. Il faisait plein jour. La luminosité était extraordinaire et le soleil aveuglant. Tout d'un coup, j'aperçus une explosion nucléaire au loin, vers les côtes d'Afrique du Sud. Le champignon atomique s'élevait majestueusement sous la poussée de la colonne de poussière radioactive. Je ne pus m'empêcher de me dire en moi-même : «Oh! C'est beau!». Puis, les radiations m'atteignirent et l'intérieur de mon corps tout entier tomba en cendres. Je retombai dans le sommeil.
J'avais vingt-cinq ans. Je ne savais pas que j'allais devenir le biographe d'Oppenheimer et de Teller, l'historien de la bombe A et de la bombe H, l'auteur d'un plan contre la prolifération nucléaire. J'ignorais tout de la science, du Projet Manhattan, de la politique nucléaire. J'appris seulement quinze ans plus tard, en lisant l'ouvrage fondamental sur la prolifération, Critical Mass, de William Burrows et Robert Windrem, ce qui s'était passé ce jour-là dans l'océan Indien.
J'eus un recul de surprise. J'avais rêvé et je n'avais pas rêvé. J'avais assisté à une explosion nucléaire et j'étais peut-être le dernier homme à en avoir vu une, tout comme
Oppenheimer avait été le premier. Mon rêve avait été le rêve de la prolifération nucléaire.
*
Au bout de cinq semaines de navigation, nous atteignîmes les Maldives, ces îles semi-immergées au large du Sri Lanka. Nous y restâmes trois semaines, passant notre temps à plonger et à admirer l'extraordinaire faune marine : poissons de toutes espèces, requins, raies manta, tortues de mer. Nous fîmes ensuite route vers le Sri Lanka et accostâmes au port de Galle au bout de deux semaines.
Galle était plein de voiliers mais, cette fois, en plus des Français, il y avait aussi des Américains, des Australiens, des Néo-Zélandais. La femme de Jean devait le rejoindre pour descendre avec lui vers La Réunion et il n'avait plus besoin d'équipier. Je restais donc sur le bateau d'un couple de Français qui retournaient en France pour deux mois et cherchaient quelqu'un pour surveiller leur voilier.
La vie était idyllique à Galle. Nous prenions le thé à l'hôtel de style colonial qui surplombe le port, allions nager dans les plages environnantes et dîner dans le restaurant chinois de la ville. C'est alors que je rencontrais un autre Français qui voulait atteindre la Nouvelle-Zélande sur son petit sloop en bois. Cet homme -dont j'ai oublié le nom- me fascinait. Musclé, avec de longs cheveux et une épaisse moustache, il dégageait une impression de force extraordinaire. Je lui proposais de lui servir d'équipier jusqu'en Malaisie. Je voulais traverser l'Océan Indien dans sa totalité. Mais je le prévins que je ne savais pas manœuvrer les voiles, seulement barrer.
Barrer par vent portant est facile. On surfe sur les vagues. Mais barrer par vent contraire est une autre affaire, et c'est précisément ce qui arriva la deuxième semaine de la traversée un vent contraire se leva, le bateau prit la cape, Les voiles et le mât s'agitèrent en tous sens. Je n'étais absolument pas marin, j'étais totalement désemparé. La nuit était noire, la mer démontée. A cet instant, le skipper sortit précipitamment de la cabine avec une expression extraordinairement cruelle sur le visage. Je compris qu'il voulait m'assassiner, me jeter par dessus bord. Il était beaucoup plus fort que moi. Il pouvait facilement le faire. J'étais complètement terrifié. J'allais périr de la mort la plus horrible, celle que j'ai toujours le plus craint -la noyade. Mais tout d'un coup, venue d'au-delà de l'espace connu, une étincelle traversa l'univers à une vitesse fulgurante et me frappa entre les deux yeux. Sa puissance était telle que je baissais immédiatement le regard et que mon visage prit un air de contrition absolue. Je vis alors que l'homme avait pris pitié de moi et qu'il me graciait. Trois semaines plus tard, nous atteignîmes Port Kelang et les côtes malaises.
Ce jour-là, le jour où Dieu m'a sauvé d'une mort atroce, j'ai compris qu'Il existait, qu'Il était Tout-Puissant, j'ai remis ma vie entre Ses mains -et Il l'a prise.
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